Hélène DELORME –N° auditeur : 18793
I – PRESENTATION DE L’AUTEUR
BIOGRAPHIE
Jean PIAGET (Jean William Fritz PIAGET) est né le 9 août 1896 à Neuchâtel en Suisse et mort le 16 septembre 1980 à Genève.
Ses parents…
Son père (Arthur PIAGET) était professeur de littérature médiéval. Il dit qu’il a appris de lui « la valeur d’un travail systématique même s’il porte sur des détails ».
Il disait de sa mère, Rebecca JACKSON « qu’elle était intelligente et énergique mais son tempérament plus névrotique rendait la vie familiale assez difficile ».
L’instabilité de sa mère eue pour conséquence que, très tôt dit-il, « je négligeai le jeu pour le travail sérieux, tant pour imiter mon père que pour me réfugier dans un monde personnel et non fictif ».
Ses premiers intérêts pour la psychologie l’ont conduit vers les problèmes de psychanalyse et de psychopathologie. Mais il dit qu’il a « toujours préféré l’étude des cas normaux et du fonctionnement de l’intelligence à celles des malices de l’inconscient ».
Son enfance…
Piaget fut un enfant précoce.
Entre 7 et 10 ans, il s’intéresse à la mécanique, aux oiseaux, aux fossiles et aux coquillages. A 11 ans, il écrit un court article sur un moineau albinos observé dans un parc.
En 1911, à 15 ans, après avoir eu des activités pendant 4 ans au Musée d’Histoire Naturelle de Neuchâtel, il publie une série d’articles sur l’étude des mollusques dans des revues à grand tirage. Dans le livre présenté dans cette fiche de lecture, il reprend d’ailleurs des études qu’il a mené plus tard sur les mollusques autour de l’inné et de l’acquis (1929) : « recherche sur les rapports de l’adaptation héréditaire avec le milieu à partir des linnéas stagnalis.
Ses études…
Après des études en sciences naturelles, Piaget soutien une thèse de biologie en 1918. Il part alors à Zurich pour travailler dans un laboratoire de psychologie.
En 1919, il se rend sur Paris pour suivre pendant deux ans des cours à la Sorbonne et assiste aux présentations de malades à l’Hôpital Sainte-Anne. Collaborant avec Janet, Il est chargé par le Docteur SIMON de standardiser les tests de raisonnement de Burt dans le laboratoire fondé par Alfred Binet. En conversant ainsi librement avec des enfants à propos des questions types du test de Burt, Piaget invente ce que sera la méthode clinique. Cette méthode est inspirée par la méthode expérimentale et la méthode d’interrogation clinique des psychiatres. Il l’utilisera toute sa vie en la faisant évoluer :
Ø Méthode clinique : méthode de conversation libre avec l’enfant sur un thème dirigé par l’interrogateur qui suit les réponses, suit les détours empruntés par la pensée, demande à l’enfant de justifier, d’expliquer, lui fait des contre suggestions.
Ø Méthode critique (évolution de la méthode clinique dans les années 40-50) : méthode de conversation libre avec le sujet mais les questions et les discussions ne sont introduites qu’à la suite ou au cours de manipulations portant sur les objets suscitant une action déterminée de la part du sujet.
Pendant ses études et expériences sur Paris, il découvre que la logique n’est pas innée et qu’elle se développe peu à peu.
En 1921, suite à la rédaction d’articles sur ses constats obtenus à Paris, il devient chef de travaux à l’institut de l’éducation Jean-Jacques Rousseau à Genève. Si à Paris, il observait principalement des enfants hospitalisés, il peut alors étudier l’enfant dans son cadre de vie « normal », notamment à l’école. Il pensait alors consacrer 2 à 3 ans à l’étude de la pensée enfantine pour revenir à l’étude de l’émergence de l’intelligence au cours des deux premières années. Ces quelques années vont lui prendre plus de 50 ans !
En 1923, il épouse Valentine Châtenay.
A partir de 1925, il enseigne la psychologie, la sociologie, la philosophie des sciences à l’Université de Neuchâtel.
1925 est aussi l’année de naissance de sa première fille. Il aura une deuxième fille en 1927 et un garçon en 1931. Par l’observation de ses enfants, Piaget va mener des recherches déterminantes pour la genèse des structures logiques. Dans le livre « Six études de psychologie » il fait d’ailleurs souvent référence à certaines de ces observations ou même d’expérimentations avec ses enfants.
Postes successifs…
1929 Professeur d’histoire de la pensée scientifique à l’Université de Genève.
Directeur du Bureau international de l’éducation
1932 Codirecteur de l’Institut Jean-Jacques Rousseau avec Edouard Claparède et Pierre Bovet
1936 Professeur de psychologie expérimentale
1939 Professeur de sociologie
Président de la Société suisse de psychologie
1940 Directeur du laboratoire de psychologie
1940/1950 publie beaucoup d’articles et de livre (particulièrement après la guerre)
1952/1963 Professeur de psychologie de l’enfant à la Sorbonne
1955 Fondateur du Centre international d’épistémologie génétique à Genève
1972 Quitte l’enseignement pour prendre sa retraite mais continue ses recherches et tient de nombreuses conférences.
BIBLIOGRAPHIE
La liste des travaux (articles, conférences, ouvrages…) de Piaget étant très longue, je ne présenterai ici qu’une sélection :
1907 Un moineau albinos (publié dans Le rameau de sapin vol 41)
1924 Le jugement et le raisonnement chez l’enfant (avec E. Cartalis)
1926 La représentation du monde chez l’enfant
1927 La causalité physique chez l’enfant
1936 La naissance de l’intelligence chez l’enfant
1937 La construction du réel chez l’enfant
1941 La genèse du nombre chez l’enfant (avec A. SZEMINSKA)
Le développement des quantités physiques chez l’enfant (avec B. INHELDER)
1942 Classes, relations et nombres (Essai sur les groupements de la logistique et sur la réversibilité de la pensée)
1945 La formation du symbole chez l’enfant
1946 Le développement de la notion de temps chez l’enfant
Les notions de mouvement et de vitesse chez l’enfant
1947 La psychologie de l’intelligence
1948 La représentation de l’espace chez l’enfant (avec B. INHELDER)
La géométrie spontanée de l’enfant (avec A. SZEMINSKA et B. INHELDER)
1949 Traité de logique
Essai de logistique opératoire
1950 Introduction à l’épistémologie génétique en trois tomes
1- la pensée mathématique
2- la pensée physique
3- La pensée biologique, la pensée psychologique et la pensée sociologique
1951 La genèse de l’idée de hasard chez l’enfant (avec B. INHELDER)
1952 Essai sur les transformations des opérations logiques
1955 De la logique de l’enfant à la logique de l’adolescent (avec B. INHELDER)
1958 La genèse des structures logiques élémentaires, classification et sériations (avec B. INHELDER)
1961 Les mécanismes perceptifs.
Epistémologie mathématique et psychologie (avec Evert W. Beth)
1964 Six études de psychologie
1965 Sagesse et illusions de la philosophie
1966 La psychologie de l’enfant (avec B. INHELDER)
1967 Logique et connaissance scientifique
1968 Le structuralisme
1970 L’épistémologie génétique
Psychologie et épistémologie
1974 Adaptation vitale et psychologie de l’intelligence : sélection organique et phénocopie
1975 L’équilibration des structures cognitives : problème central du développement
1976 Le comportement, moteur de l’évolution
II – PRESENTATION DU LIVRE : Six études de psychologie
Ce livre est paru pour la première édition en 1964 aux éditions Gonthier.
Il comprend deux parties.
1ère partie : Le développement mental chez l’enfant (étude parue en 1940).
Cette étude présente les découvertes essentielles de Piaget dans le domaine de la psychologie de l’enfant.
2ème partie :
Cette partie est constituée d’articles et de conférences parues entre 1954 et 1964 portant sur des thèmes centraux des découvertes de Piaget :
Ø La pensée du jeune enfant
Ø Le langage et la pensée du point de vue génétique (1954)
Ø Le rôle et la notion d’équilibre dans l’explication en psychologie (1959)
Ø Les problèmes de psychologie génétique (1956)
Ø Genèse et structure en psychologie de l’intelligence (1965)
Cet ouvrage présente donc les découvertes essentielles de Piaget en faisant référence très succinctement à des comptes-rendus d’expérience.
III – EXPOSE
Compte tenu de la richesse des contenus de chacune des études présentées dans ce livre, je porterai l’attention de ce rapport sur 4 points transversaux :
Ø Le besoin
Ø La notion d’équilibre
Ø La genèse de la pensée et le langage
Ø L’épistémologie génétique
III – 1 LE BESOIN
Dans son étude sur le développement mental de l’enfant, Piaget décrit 6 stades marquant l’apparition de structure progressivement construite :
Ø 1er: stade des réflexes, des premières tendances instinctives et des premières émotions
Ø 2ème: stade des première habitudes motrices et des premières perceptions organisées, des premiers sentiments différenciés
Ø 3ème: stade de l’intelligence sensori-motrice ou pratique, des régulations affectives élémentaires, des premières fixations extérieures de l’affectivité
Ø 4ème : stade de l’intelligence intuitive, des sentiments interindividuels spontanés et des rapports sociaux de soumission à l’adulte
Ø 5ème : stade des opérations intellectuelles concrètes et des sentiments moraux et sociaux de coopération
Ø 6ème : stade des opérations intellectuelles abstraites, de la formation de la personnalité et de l’insertion affective et intellectuelle dans la société des adultes
Les trois premiers stades correspondent à la période du nourrisson jusqu’à un an ½.Le 4ème se déroule dans la seconde partie de la petite enfance (2 à 7 ans), le 5ème de 7 à 12 ans et enfin le 6ème stade correspond à la période de l’adolescence.
Chaque stade constitue une forme particulière d’équilibre et l’évolution mentale s’effectue dans le sens d’une équilibration toujours plus poussée. Piaget décrit un mécanisme fonctionnel commun à tous les stades : toutes actions (mouvement, pensée, sentiment) répond à un besoin.
Claparède a montré qu’un besoin est toujours la manifestation d’un déséquilibre. La faim, par exemple, pousse à la recherche de nourriture.
Inversement, l’action se termine dès qu’il y a satisfaction des besoins, lorsque l’équilibre est rétabli entre le fait nouveau qui a déclenché le besoin et l’organisation mentale antérieure.
Les besoins (et intérêts) diffèrent selon les âges car ils dépendent de l’organisation du niveau concerné. Sans rentrer dans le détail du développement, Piaget dégage la forme générale des besoins communs à tous les âges.
Tout besoin tend à:
Ø incorporer les choses et les personnes à l’activité propre du sujet et donc à assimiler le monde extérieur aux structures déjà construites.
Ø réajuster ces structures en fonction des transformations subies, donc à les accommoder aux objets externes.
En assimilant les objets, l’action et la pensée sont contraintes de s’accommoder à eux. L’adaptation est l’équilibre de ces assimilations. L’accommodation est la forme générale de l’équilibre psychique. Piaget aborde le développement mental de l’enfant comme une adaptation, toujours plus précise, à la réalité par son organisation progressive.
On retrouve ici deux notions centrales de la théorie du développement de Piaget (assimilation et accommodation) abordées dans ce livre dans différents articles.
III – 2 LA NOTION D’EQUILIBRE. LES PROCESSUS D’EQUILIBRATION
Piaget étudie dans le détail la notion d’équilibre, évoquant les autres théoriciens l’ayant aussi utilisé dans l’explication des conduites :
Ø JANET dans la théorie des régulations affectives
Ø CLAPAREDE considérait le besoin comme l’expression d’un déséquilibre et la satisfaction comme l’indice d’une rééquilibration.
Ø LEWIN dans la théorie des graphs en psychologie sociale.
Le facteur d’équilibration est le facteur central du développement mental selon Piaget. Il dit « la tendance la plus profond de toute activité humaine est la marche vers l’équilibre ». Nous avons vu dans la partie précédente le rôle de la réponse au besoin dans le processus de construction mentale.
Piaget retient trois modèles d’équilibre applicables en psychologie. Je citerais ici les deux premiers modèles et développerais le troisième:
Ø Equilibre des forces au sein d’une structure de champ, l’équilibre se définissant alors par une balance exacte des forces.
Ø Modèle probabiliste pur utilisé par Ashby dans son étude sur la dynamique cérébrale
Ø Equilibre par compensation entre les perturbations extérieures et les activités du sujet.
Pour étudier plus précisément ce dernier modèle, rappelons tout d’abord deux notions importantes.
Une structure est un système stable et invariant, qui permet de garder en mémoire les actions.
La genèse est le passage d’une structure à une autre.
La transformation partant d’un état A et aboutissant à un état B, l’état B est plus stable que l’état A.
Toute genèse part d’une structure et aboutit à une autre structure. En psychologie de l’intelligence, quand on a affaire à une structure, on peut toujours retracer la genèse à partir d’autres structures plus élémentaires qui dérivent elles-mêmes par une genèse antérieure de structures encore plus élémentaires.
Toute structure a donc une genèse. Les structures, même les plus nécessaires (par exemple, les structures logico-mathématiques) ne sont pas innées chez l’enfant, elles se construisent peu à peu.
Genèse et structure sont donc indissociables. La relation entre genèse et structure s’explique par l’équilibre.
L’équilibre peut se définir comme une compensation des perturbations extérieures au moyen des activités du sujet constituant les réponse à ces perturbations.
Piaget décrit 3 caractères à l’équilibre :
Ø L’équilibre se caractérise par sa stabilité, ce qui ne veut pas dire immobilité. En effet, il s’agit de système d’actions mobiles et stables car la structure qui les détermine ne se modifiera pas une fois constituée.
Ø Tout système peut subir des perturbations extérieures qui tendent à les modifier. Il y a équilibre quand ces perturbations sont compensées par des actions du sujet orientées dans le sens de cette compensation.
Ø L’équilibre est donc essentiellement actif. Une structure sera en équilibre dans la mesure où l’individu est suffisamment actif pour opposer des compensations à toutes les perturbations. On peut faire ici une analogie avec la notion d’équilibre mental qui nécessite une force caractère pour résister aux perturbations.
Pour être complet, il faut introduire ici la notion de réversibilité. Piaget reprend les structures logico-mathématiques : une transformation logique peut être inversée par une transformation dans le sens contraire. Cette réversibilité est proche de la compensation dans le domaine de l’équilibre, lorsque les perturbations auxquelles répond le sujet peuvent comporter des modifications virtuelles. Les activités compensatrices consisteront alors à imaginer et à anticiper des transformations.
Les compensations répondant aux perturbations s’ajustent de manière progressive et aboutissent donc à une réversibilité opératoire. L’équilibre psychologique stable et final des structures cognitives se confond donc avec la réversibilité des opérations puisque les opérations inverses compensent exactement les transformations directes.
Lorsque les compensations ont été atteintes, c'est-à-dire l’équilibre obtenu, la structure est constituée en sa réversibilité même.
III – 3 LA GENESE DE LA PENSEE ET LE LANGAGE
Piaget le décrit la pensée du jeune enfant comme « un sujet que j’étudie depuis 40 ans sans en avoir encore fait le tour et que l’on peut aborder sous de multiples perceptives »
De 2 à 7 ans, on assiste à une transformation de l’intelligence sensori-motrice (ou pratique) en pensée proprement dite sous l’influence du langage et de la socialisation.
Grâce au langage, l’enfant peut évoquer des situations non actuelles, c’est à dire reconstituer ses actions passées sous forme de récit et anticiper ses actions futures. Il se libère des limites du champ perceptif (espace proche, le présent) alors que l’intelligence sensori-motrice était presque entièrement à l’intérieur de ces limites. C’est le début de la représentation.
Parallèlement, grâce au langage, les objets et les événements sont insérés dans un cadre conceptuel et rationnel qui enrichit la connaissance. Ils ne sont plus seulement atteints dans leur immédiateté perceptive. C’est le début de la schématisation représentative.
► On peut dire alors que le langage est la source de la pensée.
Mais chez le petite enfant, on trouve à côté du langage un système de signifiant plus individuel : les symboles. On découvre les formes les plus courantes dans les jeux symbolique, les jeux d’imitation et les jeux d’imagination (exemple : jeux de poupées, dînette….)
Le jeu symbolique constitue une activité réelle de la pensée mais essentiellement égocentrique.
Le jeu constitue la forme d’activité initiale, ou tout au moins d’exercice, que l’on retrouve à chaque stade. On peut observer bien avant l’apparition du langage un jeu des fonctions sensori-motrices qui est un jeu de pur exercice, sans intervention de la pensée ni de la vie sociale, puisqu’il n’actionne que des mouvements et des perceptions. Plus tard, vers 7-12 ans, la vie collective fait se constituer des jeux de règles communes. Entre ces deux périodes, on trouve le jeu symbolique qui fait intervenir la pensée mais en tant que pensée individuelle pure avec très peu d’éléments collectifs. Il apparaît donc à peu près en même temps que le langage mais indépendamment de lui.
Sa fonction consiste à satisfaire le moi par une transformation du réel en fonction des désirs, autrement dit une assimilation déformante du réel au moi.
Par exemple, un enfant qui joue à la poupée refait sa vie, revit ses plaisirs ou ses conflits, les résout, en compensant la réalité par la fiction.
Si le langage intervient dans cette sorte de pensée imaginative, c’est avant tout l’image ou le symbole qui en constituent l’instrument. Ce symbole est un signe individuel, élaboré par l’individu et souvent compris de lui seul puisqu’il se réfère à ses propres souvenirs.
► Il existe donc une fonction symbolique plus large que le langage.
La source de la pensée est à chercher dans la fonction symbolique.
Le langage n’est qu’une forme particulière de la fonction symbolique. Comme le symbole individuel est certainement plus simple que le signe collectif, on peut conclure que la pensée précède le langage. Celui-ci se borne à la transformer profondément en l’aidant à atteindre ses formes d’équilibre par une schématisation plus poussée et une abstraction plus motivée.
III – 4 L’EPISTEMOLOGIE GENETIQUE
Dans certain cas, l’étude génétique de la construction des notions et des opérations permet de répondre à des questions posées par les sciences en ce qui concerne leurs procédés de connaissance. La psychologie de l’enfant se prolonge alors en « épistémologie génétique ».
Piaget donne un exemple significatif et même fondateur : le temps et la vitesse.
En 1928, dans un congrès de philosophie des sciences, Einstein lui pose la question de savoir si psychologiquement, la notion de vitesse se développe en fonction de celle du temps ou si elle peut se constituer indépendamment de toute durée et même primitivement à celle de la durée.
Dans la mécanique classique, la notion de vitesse dépend de celle de la durée. Du point de vu des relativistes, c’est au contraire la durée qui dépend de la vitesse. Piaget et son équipe ont donc tout d’abord étudié la notion de temps chez le jeune enfant puis la notion de vitesse. Ces travaux feront l’objet de son ouvrage « les notions de mouvement et de vitesse chez l’enfant » paru en 1950.
Les résultats de leurs recherches ont été utilisés par deux physiciens français dans leurs travaux sur le point de départ de la théorie de la relativité aboutissant à un théorème d’addition des vitesses.
A travers les différentes recherches qu’il a menées sur la construction de la connaissance chez l’enfant, il a mis en évidence :
Ø Qu’elle se construit progressivement
Ø Quelle évolue tout au long de la vie en passant par différentes étapes avant d’atteindre le niveau de l’adulte.
Mais c’est aussi par l’étude de la pensée du jeune enfant qu’on peut apporter des résultats positifs qui nous enseigne sur le mode de construction des structures rationnelles et nous permet d’éclairer certains aspects obscurs de la pensée scientifique.
Piaget a donc construit l’épistémologie génétique par l’étude de l’évolution de l’intelligence depuis la petite enfance, en faisant l’hypothèse d’un parallèle entre les processus d’élaboration de la connaissance individuelle et les processus d’élaboration collective.
IV MISE EN PERSPECTIVE ET ACTUALISATION
Les différents thèmes abordés dans le livre et repris dans cette fiche ont fait l’objet de nombreuses recherches, critiques ou avancées. Sans pouvoir reprendre l’ensemble des critiques ou apports aux théories de Piaget, je présenterai ici quelques points fondamentaux.
Ainsi, nous avons vu dans la biographie de Piaget la description de sa méthode d’interrogation clinique qui venait en complément de ses expériences. De nouvelles méthodes d’investigation ont permis d’aller plus loin dans l’étude du jeune enfant. En 1970, le psychologue R. L. FRANTZ met au point une méthode expérimentale qui révolutionne les connaissances sur le monde mental du bébé (méthode portant sur l’étude du temps de fixation du regard comme indicateur de l’intérêt que le bébé porte à la nouveauté). Cette méthode se développe et se perfectionne et aboutit en 1985 à l’expérience sur la permanence de l’objet menée par R. BAILLANGEON, E SPELKE, S WASSERMANN.
La nouvelle psychologie de l’enfant remet en cause, ou tout au moins ne reconnaît pas comme seul possible, le modèle décrit par Piaget comme un développement linéaire et cumulatif, stade après stade. R. SIEGLER instaure un modèle dynamique du développement. Il l’imagine comme « une série de vagues qui se chevauchent, chacune correspondant à un mode de pensée ou une stratégie différente ».
Toutefois, des psychologues du développement contemporains de Piaget, le critiquaient déjà car il ne prenait pas en compte l’environnement. Ainsi, WALLON établissait une approche globale de la personnalité où l’enfant doit s’adapter à un milieu biologique et social. VIGOSTSY lui définissait une théorie avec un ancrage social du développement, le rôle premier du langage, l’apprentissage préalable au développement. Cependant, Piaget n’exclut pas totalement l’environnement social, mais il lui reconnaît qu’une influence marginale dans le développement cognitif.
Par ailleurs, nous avons vu dans la troisième partie de cette fiche le lien entre le langage et la pensée dans les théories de Piaget. En 1975, Piaget et le linguiste Noam Chomsky se sont retrouvés dans un débat organisé à Royaumont afin de confronter leurs théories sur l’acquisition du langage chez l’enfant. Ce débat eu lieu en présence et avec la participation de nombreux chercheurs, linguistes, philosophes, psychologues… (MONOD, FODOR, JACOB, PREMACK, MEHLER…). Ce débat oppose deux conceptions de la genèse et de la pensée du langage : l’innéisme de Chomsky et le constructivisme de Piaget. Pour Chomsky, il existe des capacités mentales innées, inscrites dans le cerveau de l’homme qui expliquent notamment ses capacités linguistiques universelles. Pour Piaget, les capacités cognitives de l’humain ne sont ni totalement innées, ni totalement acquises, mais elles résultent d’une construction progressive où l’expérience et la maturation interne se combinent. Le riche débat se termine alors que chacun est resté sur ses positions, même si Piaget a cherché à trouver des compromis. Toutefois, ce débat n’est toujours pas tranché, il a provoqué une évolution des conceptions concernant le langage et la pensée.
On retrouve aussi plus récemment des Néopiagétiens (R. CASE, K FISCHER…) qui intègrent aux concepts de Piaget des connaissances sur les compétences précoces, sur des conceptions nativistes (pour lesquelles le cerveau est prééquipé à la naissance, chez CHOMSKY par exemple) et sur des sciences cognitives.
IV – CONCLUSION
Ce livre, petit par la taille, est plutôt d’une lecture relativement facile. Paradoxalement comme le précise l’éditeur, « c’est un raccourci saisissant et en même temps une introduction complète à l’œuvre de Piaget ».
L’aspect « raccourci » rend assez difficile la compréhension de certains points importants, sur lesquels sont basés l’ensemble de la théorie de Piaget. Ainsi, les observations qui ont menées aux interprétations et élaboration des concepts sont très peu détaillées dans ce livre. L’absence de ces descriptions ne permet donc pas de comprendre l’élaboration de ces découvertes et quelques fois manquent à la compréhension.
L’aspect « introduction à l’œuvre de Piaget » permet de découvrir une partie importante de l’ensemble de ses découvertes.
Pour l’un comme l’autre de ses points, la lecture d’autres œuvres de Piaget est donc indispensable.
L’épistémologie génétique est très rapidement abordée dans le livre avec l’exemple repris dans cette fiche sur le travail portant sur le temps et la vitesse. On saisit les principes de cette recherche et son apport pour la science mais il me semble indispensable de compléter la lecture par d’autres écrits de Piaget. Malgré les très nombreuses critiques faite aux théories de Piaget, on retrouve ainsi aujourd’hui l’importance de l’étude de l’enfant et la manière dont se construit son psychisme comme la manière façon de comprendre la pensée humaine.
Enfin, les quelques perspectives abordées dans la dernière partie de l’exposé, montrent à quel point d’une part il est indispensable de comprendre le développement mental chez l’enfant décrit par Piaget pour aborder les auteurs contemporains. D’autre part, il faut étudier les avancées de la science des vingt dernières années pour compléter ou contester les théories de Piaget.
Ce livre me semble donc relativement incontournable pour comprendre les recherches de Piaget et les nouvelles théories autours du développement de l’enfant.
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